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à visiter les chambres, la maison, les caves. Un lieutenant survint, qui fouilla avec le sergent ils ne trouvèrent que des papiers de commerce ; mais un soldat découvrit dans la cave une vareuse de garde national ; M. S… fut arrêté. Le lieutenant voulut bien recommander à ses hommes de ne point maltraiter le prisonnier, qui dit adieu à sa famille en larmes, et partit.

Il fit la route en compagnie de voisins arrêtés comme lui, notamment d’un pâtissier d’à côté qu’on venait d’arracher du sous-sol où il se cachait. Dès les premiers pas, rue Ramey, il vit le premier cadavre couché sur le dos, — horriblement mutilé : un mobile, disait-on, que les soldats venaient de fusiller. Les insultes commencèrent rue de la Fontenelle. Les prisonniers étaient frappés de coups de poing qui faisaient jaillir le sang. Grâce à la recommandation du lieutenant, le caporal fit épargner M. S…

On s’arrêta, rue des Rosiers, dans la maison du 6, de sinistre mémoire. On entra dans le petit jardin bourgeois aux verdures saccagées et sanglantes, où les généraux Lecomte et Thomas furent si tragiquement massacrés et si tragiquement vengés. Il y avait là une vingtaine d’hommes, quelques femmes ayant des brassards d’ambulancières, un vieillard septuagénaire, ceint d’un tablier. Le vieillard était épouvanté. Il demandait à chaque soldat : « Est-ce qu’on va nous fusiller ? » Les soldats répondaient ; « Votre tour va venir : nous en avons déjà fusillé une vingtaine ». Un commandant survint qui donna à un officier l’ordre de diriger les prisonniers sur le bastion 43. On les mit par rang de cinq, on leur enjoignit de se donner le bras, on les fit sortir par la porte de la rue de la Bonne, descendre la rue du Mont-Cenis, tourner rue Marcadet. La nuit tombait quand ils arrivèrent au bastion.