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La femme de l’aîné est morte folle quelque temps après.

On nous donne de nouveaux détails sur la mort des deux frères Cabouret. Les corps des deux frères avaient été jetés dans les fondations d’une maison en construction, en haut de la rue Rochechouart, Il y avait là, avec un grand nombre de cadavres, des blessés qui râlaient encore. Le concierge du no 90 de la rue Rochechouart leur porta à boire ; on le saisit, on le colla au mur.

Une ambulancière qui fut trouvée chez elle fut passée par les armes.

Je termine par le plus affreux de tous ces récits.

J’ai la douleur d’affirmer que le fait suivant s’est passé le matin du mardi 23 mai.

Les balles et les obus pleuvaient à Montmartre. Une grande partie de la population s’était réfugiée dans les caves. Une dame Brossier fut atteinte par un éclat d’obus dans la cour du no 22 de la rue Norveins. Un jeune ouvrier margeur, nommé Placide Veau, habitait la maison, avec son père, sa mère et ses deux frères. Il dit : « Je vais porter la blessée à l’ambulance la plus prochaine. » On le retient : c’était une folie ; le combat faisait rage : il grêlait du plomb ; mais le Parisien n’a pas peur du sifflement des balles. Il se procure un brancard. Les deux frères, enfants intrépides, l’un de dix-sept ans, l’autre de quatorze ans, s’en vont avec la blessée. L’aîné, qui avait un uniforme de garde national, avait mis, pour sauvegarde, un brassard tricolore.

Les mille morts éparses dans l’air eurent pitié de tant de dévouement. Les deux frères purent porter à l’hôpital Lariboisière, d’après une des relations, à l’ambulance de l’Élysée-Montmartre, d’après l’autre, leur précieux fardeau. Quand ils revinrent, il y avait dans la rue six soldats du 10e chasseurs. Ils se jettent sur Placide. « Encore