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efforts pour tenir secrètes les horreurs de Mai. Enfin, les registres peuvent-ils être complets pour des journées où l’on apportait des corps inconnus par tombereaux, — où, à Montparnasse, les morts ne passaient pas tous par la porte (on en a vidé un certain nombre des chariots dans la fosse par une brèche pratiquée au mur), — où, au Père-Lachaise, des groupes de prisonniers entraient vivants pour être fusillés et enterrés dans le cimetière ?

Nous avons pris nos informations à la fois aux cimetières mêmes et aux environs, parmi les hommes qui, par profession, savent les chroniques du champ des morts. C’est une enquête qu’il serait sans doute difficile de recommencer, aujourd’hui. Mais avant la publication de la Semaine de Mai, un curieux pouvait sans peine s’informer de l’endroit où les cadavres avaient été inhumés, l’aller voir, connaître leur chiffre approximatif.

Cimetière de l’Est (Père-Lachaise). — M. Maxime Ducamp avoue 878 morts. — Ce chiffre est à peine moitié de la vérité. On en a enterré là au moins 1,800 à 2,000. On en aurait enterré 1,700 en une nuit. Or, il faut ajouter à cela les victimes des exécutions qui eurent lieu dans les deux premières semaines de juin.

Il faut dire comment l’on procédait : on creusait d’immenses fosses où l’on rangeait les cadavres côte à côte, quelquefois on en mettait trois rangs en hauteur. On jetait sur les corps soit de la chaux, soit des huiles minérales, pour les brûler. Un journal de Versailles (cité par la Nation française du 1er juin 1871) dit à ce sujet : « On jette maintenant les cadavres dans de grandes fosses, où l’on emploie à les brûler le pétrole qui avait été dans leurs mains un instrument de dévastation. » D’après les notes que me communique M. Robinet, un témoin oculaire lui a dit avoir vu employer ce moyen au Père-Lachaise.