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« En marchant du côté de la Muette, une porte est ouverte sur un jardin : nous y jetons un coup d’œil en passant ; mais le spectacle que nous apercevons nous arrête.

» Des corps sont étendus au nombre d’une trentaine environ : quelques-uns sont couverts de feuillage. Nous cherchons à interroger les voisins sur l’origine de ces cadavres. Nous ne trouvons personne.

» Cependant si, voilà un homme qui, chose bizarre… fait son métier de balayeur en conscience. La tête ornée de la casquette qui indique qu’il appartient au service de la ville, il repousse méthodiquement à droite et à gauche de petits tas de poussière.

» Ce sont des fusillés, nous dit-il : comme ils ne voulaient pas se rendre, on les a tués là comme des chiens. »

Le rédacteur du Gaulois il est vrai, semble craindre d’en avoir trop dit. Il ajoute prudemment : « Non, ce ne sont pas des fusillés. » Dénégation assez naïve. Un honorable négociant de Passy, qui nous a donné des renseignements fort instructifs sur ce qui s’est passé dans son quartier en mai 1871, nous a confirmé le fait de ces premières exécutions. Il nous a certifié que rue du Ranelagh, notamment, on a exécuté un très grand nombre de fédérés contre un mur qui a longtemps porté les traces de la fusillade.

Ce n’étaient pas seulement les combattants pris les armes à la main qu’on mettait à mort. Un soupçon suffisait pour faire exécuter un homme. Un des rédacteurs du Grand Dictionnaire Larousse a été témoin, à Vaugirard, d’une fusillade qu’il raconte ainsi (Grand Dictionnaire LarousseSupplément — Art. Commune) :

« Le lundi 22 mai, à huit heures du matin, sous nos fenêtres, rue Lecourbe, deux pauvres diables ont été