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LIX

M. ALEXANDRE DUMAS FILS

J’ai parlé du langage tenu par les journaux pendant la durée et au lendemain du massacre. J’ai omis un document que pourtant on n’a pas oublié : je parle de la lettre de M. Alexandre Dumas fils.

Il est curieux de voir quelle influence eut l’épidémie mentale de cette triste époque sur l’auteur de la Dame aux Camélias.

Le personnage est connu : il est de ceux qui, au lendemain de 1848, — et surtout après le coup d’État, — mirent la littérature à la portée de leur temps, firent succéder aux grandes œuvres de leurs prédécesseurs des histoires de femmes facilement écrites et amusèrent par des contes dignes d’elle la génération du 2 décembre. À défaut de la puissante observation des Balzac ou des Flaubert, de la poésie d’une George Sand, du génie créateur du grand Dumas, celui-ci avait, pour unique qualité littéraire, l’« odore di femina » ; à le lire, on croirait qu’il écrit avec je ne sais quel perpétuel fumet d’alcôve dans les narines.

Un curieux phénomène psychologique se produisit. Le romancier appartenait à l’école qu’on appelle « l’école du bon sens », à cause du terre-à-terre de ses conceptions et de la façon dont elle réagissait contre les puissantes inspirations de la génération précédente. Style incolore, invention médiocre, avec une grande habileté de mise en scène. Toute cette médiocrité fit de l’auteur