soudain le chasseur aux promeneurs : j’en entends monter un. »
On ne portait pas le gibier bien loin : tout près de là, des tas de terre recouvraient tant bien que mal les cadavres des victimes déjà frappées.
LVII
LA PRESSE
J’ai terminé le récit de cet épouvantable massacre : on sait maintenant ce qui s’est passé à Paris en plein dix-neuvième siècle. Et à côté de ces torrents de sang de ces montagnes de cadavres, de ces abattoirs d’hommes, de ces femmes, de ces enfants, de ces vieillards tués à coup de fusil, à coups de mitrailleuse, à coups de baïonnette, à coups de sabre, à coups de crosse, la tribune française était debout : elle est restée muette. — Et la presse ? — Elle encourageait les massacreurs, elle dénonçait les victimes.
Si l’on veut avoir une idée de la folie furieuse qui s’était alors emparée de la société française, il faut lire les journaux du temps ; quand on les parcourt, l’armée semble humaine, indulgente ; et l’on ne peut s’empêcher de se dire : Comment des soldats, pris dans le terrible entraînement du massacre, ont-ils épargné, je ne dis pas un seul fédéré, mais un seul Parisien, quand des écrivains, tranquillement assis dans leur cabinet, étaient en proie au sanguinaire délire dont, malheureusement pour eux, leurs journaux portent témoignage ?
Reportez-vous par la pensée, au lundi 29 mai 1871 : Paris est un vaste charnier ; on fusille à la caserne