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Des colonnes de prisonniers partaient encore au mois d’août. Toute la différence, c’est qu’elles prenaient le chemin de fer. Certaines régions de Paris étaient complètement désertes. « À Belleville, dit le Bien public du 15 juin, toutes les maisons entre les rues Pradier et Fessard, et de la rue de Puebla à la rue de Belleville, sont absolument inhabitées. » Tous ceux qui ont traversé ce côté de Paris à cette époque parlent du grand silence au milieu duquel on marchait. On eût cru voir une ville morte.

Une grande partie de la population ouvrière était fusillée, emprisonnée ou en fuite. Il y eut un moment, tout le monde s’en souvient, où il était devenu impossible de faire faire les travaux les plus simples. Le boutiquier qui voulait faire réparer sa boutique, ne trouvait plus de menuisiers dans Paris.

En revanche, le « Paris élégant » était revenu. Le monde viveur menait grand tapage. Il se sentait vainqueur. Ce monde, pendant la semaine de Mai, allait souper aux restaurants de la terrasse de Saint-Germain, d’où l’on voyait, la nuit, Paris en feu. Un bruit de chansons, de rires, partait des cabinets particuliers où la haute gomme et les plus fameuses impures du second empire jouissaient du spectacle. La foule, un jour, faillit leur faire un mauvais parti. La police dut les chasser et fermer les maisons de plaisir où ils insultaient au deuil public.

Cela se continua après la victoire dans Paris même. On voyait ces Parisiens et ces Parisiennes d’antan, ces Versaillais et ces Versaillaises d’hier, remplacer le tour du lac par la visite aux ruines calcinées de la guerre civile. Le Paris sombre et sévère des deux sièges était surpris de revoir ces figures oubliées. On s’amusait à grand bruit. Le lecteur sait comment le Figaro rêvait