Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

du même coup le théâtre, le maître du logis, les spectateurs et les pantins. »

Pourtant Guignol n’avait pas trempé dans la Commune, et quand on alléguait une erreur dans le tir on alléguait une raison absurde : des batteries tirant de Saint-Cloud ne pouvaient pas se tromper sur la distance qui sépare la place de la Concorde des fortifications. C’est pourtant ce que M. Thiers répondit à M. Corbon, quand celui-ci le pressa de mettre un terme à cette inutile dévastation. Je tiens ce détail de M. Corbon lui-même. Ajoutons que M. Thiers promit d’aviser.

Mais le gouvernement fit plus ; il essaya d’affamer Paris. Des ordres furent donnés en ce sens ; voici comme exemple, une dépêche que le Moniteur universel du 30 avril 1871 extrayait du Nouvelliste de Rouen :

« Creil, 24 avril, 11 heures 30 min. soir. — Chef de station Creil à M. Sainutt, inspecteur à Rouen. — En vertu d’une réquisition du commissaire de police délégué à Creil, tous les vivres et les approvisionnements à destination de Paris sont arrêtés ici avec ordre de les réexpédier à leur point de départ. Veuillez prendre les mesures nécessaires pour ne plus expédier de marchandises de cette nature sur cette destination. »

S’il pouvait rester quelques doutes sur le sens de cet ordre et des ordres semblables donnés de tous les côtés, ils seraient levés par la déposition du capitaine Garcin devant la commission d’enquête parlementaire. Parmi les points que le capitaine a voulu éclaircir en interrogeant les prisonniers de la Commune, il place celui-ci : « J’ai cherché à savoir comment Paris se ravitaillait. On m’avait dit que les Prussiens fournissaient l’entrée des vivres dans Paris. L’investissement était complet de notre côté ; le blocus était rigoureux, et nous savions que les vivres ne manquaient pas dans Paris. »