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du monde des coups d’ombrelle. Quelques-uns leur crachaient au visage. Si un honnête homme, dans la foule, protestait, il avait peine lui-même à échapper aux furieux.

Ces scènes hideuses commencèrent dès l’arrivée de la première colonne de prisonniers, le 4 avril, et se continuèrent. Quand Rochefort fut conduit à la prison de Versailles, à la veille de l’entrée dans Paris, la foule criait : « à mort ! » sur son passage. Un détail fait comprendre où les esprits en étaient arrivés. Le Journal officiel parlait de ces actes de fureur dès le début d’avril et la feuille si grave, si réservée, les racontait en des termes qui ressemblaient à un encouragement. « Les malédictions » dont on poursuivait les prisonniers « étaient, dit-il, pour eux le commencement de l’expiation. L’énergie et le sang-froid des détachements qui les conduisaient les ont préservé non sans peine des actes de violence et de justice sommaire dont la foule les menaçait. »

Au reste, les actes du gouvernement lui-même semblent porter la marque de la même colère aveugle. On avait beau répéter qu’on n’en voulait qu’à « la minorité d’insurgés qui tyrannisait Paris », c’était bien Paris tout entier qu’on frappait. Ce n’était pas assurément pour atteindre le communeux qu’on bombardait, jusqu’à la place de la Concorde, le quartier des Champs-Élysées.

Le fait a été contesté : il n’est pas contestable. On en croira un conservateur aussi furieux que M. Maxime Ducamp : il dit en décrivant la physionomie des Champs-Élysées pendant le second siège :

« Le Guignol tint bon jusqu’au milieu de mai. Quand les projectiles trop nombreux avaient rendu déserte l’avenue des Champs-Élysées, et avaient failli emporter