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seulement un repos, c’était une façon de satisfaire la curiosité de la foule ; car on montrait les prisonniers, comme des animaux exotiques. Cette satisfaction semblait adoucir les spectateurs, qui se contentaient parfois de venir regarder les malheureux et de les questionner.

Voici comment le Gaulois du 25 mai décrit une de ces haltes :

« On les fait asseoir sur la place d’Armes, à la grande satisfaction du public qui peut ainsi les contempler à l’aise : ce fut un feu croisé d’interpellations qui, nous devons le dire, étaient très modérées de la part des Versaillais… On se contentait de leur dire qu’ils désiraient tant venir à Versailles qu’ils devaient être au comble de la satisfaction de se trouver en face de la statue de Louis XIV… Un quidam s’étant permis de dire que ces gens méritaient de la pitié, un gendarme lui répondit : « De la pitié ! pour des gens qui nous traquaient comme des bêtes fauves ! »

C’est une halte semblable, que Théophile Gautier décrit dans un chapitre, d’un livre trop peu connu : les Tableaux du Siège. Je cite ces pages. Théophile Gautier, en véritable habitant de Versailles, considère tous les prisonniers comme des « assassins » et des « incendiaires ». L’air hagard des malheureux et des malheureuses épuisés par la route lui paraît un indice certain de leur scélératesse. Je crois d’ailleurs que les pages des Tableaux du Siège ont paru dans l’Officiel. On ne sera donc pas surpris qu’il n’y soit fait aucune allusion aux violences et aux insultes de la foule.

Le lecteur se rappellera, en lisant la page qui suit, que les captifs à qui le poète trouvait des airs de damnés, des yeux pleins de haine, des types féroces, étaient pour la plupart des Parisiens arrêtés pour les motifs les