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Le convoi lié à Montmartre, conduit à la Muette par l’infanterie, reçut là une escorte de chasseurs à cheval. Le maréchal-des-logis qui la commandait bégayait comme Brid’Oison. Il répétait sans cesse : « Sa-abrez, sa-abrez. » On eut l’occasion de suivre cet ordre. Le convoi contenait des vieillards qui, ne pouvant marcher, se faisaient traîner par le lien commun. Sitôt que la marche se ralentissait, les chasseurs se jetaient sur les prisonniers ; beaucoup furent piqués de la pointe, d’autres reçurent des coups de sabre. Il y avait surtout un vieillard qui ne pouvait plus avancer. Le maréchal-des-logis le fit tirer de la colonne et attacher à la queue de son cheval. Mais le cheval était obligé de le traîner et n’avançait plus. Le malheureux fut mis dans un fossé de la route. Par bonheur, le chemin de Versailles à Paris était alors sillonné de voitures de toutes sortes. Un cabriolet qui passait se chargea du vieillard, qu’il amena à Versailles sous la garde d’un chasseur.

À Sèvres, selon l’habitude, des gens compatissants apportèrent des seaux d’eau, des cruches, des tasses pour boire. Tous les convois qui passaient se jetaient avec une véritable fureur sur l’eau qu’on leur offrait, lapant à même le seau comme des bestiaux. Mais ce convoi-là ne but pas. Le maréchal-des-logis fit renverser les seaux et casser les cruches à coups de sabre.

Au moment où on arrivait à Versailles, la femme enceinte se trouva libre : probablement on l’avait liée moins étroitement ; d’ailleurs, le va-et-vient de la colonne avait relâché les cordes. Un chasseur s’en aperçut et lui assena successivement deux coups de sabre sur la tête. Elle tomba pour ne plus se relever.

Ces trois convois, dont j’ai raconté le voyage parce que j’avais sur eux des détails circonstanciés, furent re-