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Gallifet. » Il sait comment sonne son nom à l’oreille des prisonniers. Puis il passe lentement le long de la colonne, et dévisage à loisir les figures bouleversées qu’il a devant lui. Alors, il choisit ses victimes, et il semble chercher une singularité à effet dans les raisons qui le guident : il fait du paradoxe à coups de chassepot. Un jour, par exemple, comme on va le voir plus loin, il prit dans la colonne les vieillards, en donnant ce motif : « Vous, vous avez déjà vu une révolution, vous êtes plus coupables que les autres… » Et les vieillards furent fusillés à côté. L’exécution était toujours faite assez vite pour que la colonne qui avait repris sa marche l’entendît.

Les prouesses de M. de Gallifet ont été racontées avec tous les détails dans la presse française et étrangère. Jamais, que je sache, il n’a adressé à ce sujet la moindre rectification. On peut donc tenir les faits pour constants. Je vais pourtant mettre sous les yeux des lecteurs les témoignages individuels ou les récits des journaux relatifs à ces exécutions.

Le Times du 31 mai recevait la dépêche suivante, datée de Paris, 30 mai, soir :

« On manifeste un grand mécontentement vis-à-vis du marquis de Gallifet, qui, dit-on, a fait périr beaucoup d’individus innocents à l’Arc-de-Triomphe et au Champ-de-Mars. »

Un leading article du même numéro donne plus de détails et apprécie plus sévèrement les actes commis :

« Les troupes de Versailles paraissent vouloir dépasser les communistes dans leur prodigalité du sang humain. Le marquis de Gallifet escorte une colonne de prisonniers de Paris à Satory. Il en choisit 82 et les fusille à l’Arc-de-Triomphe. Ensuite vient un lot de