Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.

derrière les curieux et les poussaient parmi les prisonniers. Ceux qui se sont laissé prendre à ce jeu ne sont pas tous revenus : parmi eux se trouva le commissionnaire qui était établi avec son crochet au coin de la rue Saint-Lazare et de la place de la Trinité. Je l’ai vu revenir, longtemps après, pâle, défiguré, pour mourir au bout de peu de temps. »

Rue de la Chaussée-d’Antin, une vieille femme furieuse se jeta sur un convoi de prisonniers, pour les frapper de son ombrelle… Quand elle voulut sortir, les soldats la rejetèrent dans les rangs à coups de crosse.

Encore s’il n’y avait eu que les injures de la foule ! Mais il faut y ajouter les violences des gardiens, les caprices de l’officier qui commandait. Avant tout, on avait une idée fixe d’humiliation et en quelque sorte d’amende honorable ; il fallait que les victimes de ces arrestations aveugles demandassent en quelque sorte pardon de leur crime supposé en gardant la tête découverte. En un clin d’œil, l’escorte, aidée de la foule, brutalement, arrachait, jetait à terre les coiffures, qui restaient le plus souvent sur le sol. Là-dessus les témoignages, les journaux du temps sont absolument unanimes. Tout le monde était nu-tête, soit pendant la route, soit à Satory ; supplice cruel sous le soleil de mai, qui fit ainsi d’innombrables victimes.

D’autres humiliations, — des exécutions parfois, — étaient réservées aux prisonniers. Je me borne à un exemple : la colonne de prisonniers dont j’ai déjà parlé, et que j’ai montrée se grossissant rue de Clichy de bon nombre de curieux. Elle était escortée de chasseurs à cheval. L’officier qui la commandait était dévot. Devant l’église de la Trinité, il fit mettre la colonne à genoux : il fallait demander pardon aux pierres de l’église de l’esprit irréligieux de la Commune. C’est à coups de plat