che ; quiconque veut arrêter la tuerie devient suspect. Si c’est l’officier qui ordonne l’exécution et le sergent qui voudrait épargner la victime, le sergent doit se taire. Si c’est l’inverse, le sergent ose parler car le massacre prime la discipline. Un de nos amis connaît un sous-lieutenant qui voulait empêcher ses hommes de fusiller un prisonnier : un sous-officier lui dit carrément : « Ah çà ! mon lieutenant, vous en êtes donc aussi ? » Dans les jours de violence, le dernier mot est au plus violent.
Je tiens d’un de mes amis un fait certain, authentique, qui montre comment une partie de l’armée cherchait à sauver le plus de malheureux possible.
Un des journalistes les plus compromis de la Commune avait pris le brassard des ambulances pour être protégé. Il était avec un de ses amis, étudiant en médecine, et montait le boulevard Saint-Michel, quand un agent de police les arrête, sur la mine, et les mène au Luxembourg. Les voilà devant la cour martiale, attendant leur tour et l’attendant longtemps. Le journaliste voyait déjà son identité établie : c’eût été la mort. Il roulait ces tristes pensées, quand un officier de chasseurs l’apostropha :
— Dites donc, vous n’avez pas l’air de vous amuser ?
La conversation s’engagea : l’officier finit par lui dire : « Vous m’avez l’air d’un bon garçon, arrangez-vous un peu, roulez une cigarette et prenez-moi le bras. — Mais c’est que j’ai un ami. — Où cela ?… » L’officier dévisage l’ami et dit : « Votre ami aussi. »
On sait quel désordre régnait dans la cour martiale. Accusés, spectateurs étaient entassés dans la salle. Grâce à l’officier, les deux accusés purent gagner la porte du Luxembourg, où se tenait un sergent, auquel l’officier dit un mot.
— F… le camp rapidement, dit le sergent.