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Pourtant, on apprit en même temps que le blessé avait été conduit au Châtelet. Aussitôt une de ses sœurs accompagnée d’un ami de la famille courut chercher quelque nouvelle. Le récit de cette course anxieuse, au milieu des horreurs du Châtelet, est poignant. D’abord, on ne savait où aller. On ignorait le tribunal du Châtelet, mademoiselle B*** va à la Conciergerie, s’adresse à la sentinelle ; la sentinelle répond sans hésiter :

« Si votre frère a été blessé, il doit être fusillé… Nous avons fusillé des blessés. »

Puis, après cette brutale réplique, et voyant des larmes soudaines, le soldat reprend plus doucement :

« Allez en face, au Châtelet. C’est là que vous pouvez savoir quelque chose. »

J’ai décrit le Châtelet avec ses municipaux maintenant la foule, ses soldats, ses officiers allant et venant sur le trottoir. Mademoiselle B*** et l’ami qui l’accompagnait purent franchir la première ligne, arriver au pied du théâtre : et les voilà allant de l’un à l’autre, cherchant, questionnant… recevant, hélas ! toujours la même réponse :

« S’il est blessé, il est fusillé. »

Un sergent répondit avec des yeux plein de fureur :

— S’il est blessé, il est guéri.

— Ah ! dit mademoiselle B***, c’est horrible ; vous n’avez pas traité les Prussiens ainsi.

— Non, mais ceux-là ont voulu nous enduire de pétrole et nous brûler vivants.

C’est ainsi que nous retrouvons partout la trace des légendes avec lesquelles on rendit les soldats féroces.

Un policier, l’arme au bras, le pistolet à la ceinture, gardait la porte. Il fut impossible d’en rien tirer. Un capitaine du 10e chasseurs consentit à aller s’informer au tribunal. Il revint en disant qu’on n’avait pas gardé