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pour le total des soixante mille fusillés ou prisonniers !

Quelle triste et grave éloquence dans la réflexion du colonel Gaillard sur les sommes d’argent qui se trouvaient dans les poches des victimes de la Semaine !

« Nous n’avons que ce qu’on nous envoie, et il y a bien des choses qui se sont passées à Paris dont nous ne savons rien ! »


XL

LE CHÂTELET. — ÉMILE B…

Je dois le récit que je vais analyser à l’obligeance du docteur Robinet. J’aurais voulu le citer en entier ; je connais peu de pages aussi profondément et aussi simplement dramatiques. Émile B*** dont je vais raconter la mort, avait deux sœurs ; c’est l’une d’elles, madame C***, mariée à un membre important de l’Université, qui a écrit les pages touchantes que je résume.

Émile B*** avait vingt-neuf ans en 1871. Il était étudiant en médecine. Il ressentit profondément les angoisses et les colères de Paris pendant le premier siège. Il fut de ceux dont on peut dire à coup sûr, que le patriotisme seul les jeta dans la guerre civile. Encore sous le coup de la rage de la capitulation, il ne voulut accepter de la guerre que ses périls. Sa famille le vit pour la dernière fois le 23 mai : il avait quitté un instant la lutte pour revoir les siens. Puis on apprit qu’il avait été blessé au bras le jeudi 25, et porté à l’ambulance des Quinze-Vingts… Blessé !… les siens l’apprirent presque avec joie : cela le sauvait de la mort… On se faisait encore de ces illusions.