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» — Je me défendrai bien sans toi. Va-t’en je t’en supplie. Dans des temps comme celui que nous traversons, il ne fait pas bon de se mettre en travers des passions déchaînées. Songe à nos deux enfants, nous ne devons pas leur manquer tous deux à la fois. Si on allait t’arrêter ?

» — M’arrêter ? Tu n’y penses pas. Suis-je un homme politique ? Tu as donc bien mauvaise opinion des gens de mon parti ?

» Un des gardes nationaux crut devoir mettre un grain de sel dans notre dialogue. S’adressant à Tinayre, il lui dit : « Madame vous croit entre les mains de la Commune. »

» Toujours sous la pluie, nous arrivâmes au Châtelet. Des fédérés, les uns debout, les autres assis, étaient là prisonniers, silencieux et pâles. Je demandai à l’un d’eux où siégeait le conseil. Il me montra du geste, derrière la table du contrôle, un jeune officier et un caporal.

» Comme j’avais l’air d’être étonnée, le fédéré me dit : « Oui, oui, ils ne sont que deux, mais ils font de l’ouvrage comme quatre. Depuis deux heures que je suis là, ils n’ont cessé de condamner à mort ! Nous attendons notre tour, vous allez, compléter le convoi. »

Les gardes aux brassards tricolores ne semblaient nullement se douter du rôle qu’on leur faisait jouer dans cet immense drame national. Ils étaient retournés à d’autres captures.

» L’officier me fit signe d’approcher. Il me demanda mon nom et quelques détails sur ma participation à la Commune. L’interrogatoire dura deux minutes ; alors l’officier, s’adressant à mon mari, lui demanda si c’était lui qui m’avait arrêtée.