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voulu me communiquer. J’y vois qu’un ami de la famille du fusillé alla deux fois à la caserne chercher à recueillir quelques renseignements. La seconde fois, c’était le mardi 30, la cour martiale ne siégeait plus, la porte de la caserne était ouverte ; il vit dans la cour, des soldats, les pantalons relevés, éponger le sol au milieu d’une mare de sang.

Après chaque exécution, comme je l’ai dit, on débarrassait la cour des cadavres « qu’on enterrait provisoirement, dit l’abbé Vidieu, sur les berges de la Seine, dans les squares, un peu partout ». — C’est le square Saint-Jacques-la-Boucherie qui recevait le plus gros contingent. Le Châtelet, la caserne Lobau, le square Saint-Jacques formaient les trois étapes des victimes. Le square était digne du théâtre et de la caserne.

On y creusait de vastes tranchées, où les corps étaient jetés en désordre. « Ce sont, dit le Siècle du 29 mai, des soldats du génie, aidés de travailleurs civils, qui sont chargés de cette lugubre besogne. On estime à plus de mille le nombre des cadavres qui ont déjà été enterrés à cet endroit. »

Les grilles étaient closes : des factionnaires se promenaient devant les portes. Quand on s’approchait, le spectacle était hideux. — Le printemps se mêlait à toutes les horreurs de la guerre civile ; et l’on sait avec quelle magnificence il éclate dans ces bouquets d’arbustes précieux, dans ces touffes magnifiques de fleurs et de feuillages exotiques, qui rendent si coquets les jardins de Paris ; toute cette verdure resplendissante de mai était saccagée ; des branchages cassés, avec leurs parures nouvelles pendaient au-dessus des fosses. On entrevoyait, sous l’épaisseur de la végétation, parmi les floraisons et les feuillées, les plates-bandes étrangement soulevées, des pieds mal recouverts, des bras vêtus de