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civile. Le 2 avril, l’armée tomba brusquement, au pont de Neuilly, sur les gardes nationaux, qu’elle mit sans peine en déroute. Le 3, les fédérés essayèrent follement la sortie en masse. C’est ce matin-là, le 3, alors qu’on avait à peine échangé les premiers coups de fusils de la guerre civile, que le drame de Chatou vint lui donner un caractère implacable.

Le souvenir en est encore assez vivant pour qu’un de nos collaborateurs ait pu recueillir, à Chatou même, d’un grand nombre d’habitants, les détails les plus précis.

Quelques fédérés avaient passé la Seine en bateau. Ils annonçaient qu’ils seraient suivis par leurs camarades. Ils ne le furent pas. Ils restaient trois, un capitaine, un sergent et un garde. Ils s’attablèrent pacifiquement à déjeuner au restaurant Rieux, 19, rue de Saint-Germain. Quelques habitants leur donnèrent le conseil de changer de vêtements. Ils crurent la précaution inutile.

Le général de Gallifet venait de Saint-Germain avec deux escadrons de chasseurs et une batterie.

On dit qu’il fut prévenu de la présence des fédérés à Chatou par un certain T…, charcutier et capitaine des pompiers, mort depuis. Quoi qu’il en soit, le général remporta, avec ses deux escadrons et son artillerie une mémorable victoire sur les trois Parisiens armés de trois fourchettes. Il arriva trop tard pour les saisir à table. Il les rencontra en route, prisonniers, avec une escorte : on les conduisait à Versailles. Il ordonna qu’on les lui remît. L’officier qui commandait l’escorte refusa : le général insista, fut impérieux : l’officier livra ses prisonniers contre un reçu. M. de Gallifet les fit conduire dans la rue de Saint-Germain, au coin de la rue Casimir-Périer, contre un mur de clôture. Le parti conservateur de Chatou hurlait : « Fusillez-les ! » Les républicains