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couraient çà et là : de nouveaux coups de feu les attrapaient au bond. Tirés en hâte, la plupart, sans doute, manquaient le but. On visait mieux : à la fin, tous étaient à terre, dans le sang, les agonisants parmi les cadavres… tout allait pêle-mêle dans le même tombereau.

M. l’abbé Vidieu, vicaire de Saint-Roch, n’a garde de raconter une telle scène : d’ailleurs il restait à la porte : mais les indications qu’il donne laissent deviner la vérité. Voici ce qu’il dit :

« La porte s’ouvrait et se refermait sur la fournée… puis on entendait des feux de peloton suivis de coups de feu précipités ; c’était la fournée qui tombait. »

Ces « feux de peloton suivis de coups de feu précipités », qu’est-ce, sinon le bruit de la chasse entendu du dehors ?

Eh bien !… qui le croirait ?… là encore, il y avait un aumônier ; oui, il y avait un prêtre qui avait accepté un rôle dans cette boucherie ; — un prêtre qui préparait les victimes au massacre par l’absolution ; — un prêtre qui mettait le visa de l’Évangile sur cette tuerie infâme ; — un prêtre qui administrait ses frères en Jésus-Christ avant de les envoyer dans le vol épars des balles ; — un prêtre qui portait la croix sur la poitrine, et qui pataugeait, le jupon retroussé, dans le sang de l’abattoir !

Rappelez-vous que l’on a fusillé à la caserne Lobau cinq jours de suite.

La tuerie était encore une curiosité fort courue. Par malheur, on ne pouvait pas entrer ; tout se passait les portes closes : la foule était réduite à voir arriver les condamnés, à entendre du dehors le bruit de l’exécution, et à regarder sortir les cadavres. Mais, si incomplet qu’il fût, le spectacle attirait beaucoup de monde. On m’a même assuré que des bancs étaient installés en