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» Je les ai vus entrer à la caserne Lobau. Au moment où la porte se referma sur eux, j’ai dit : c’est un crime de tuer des enfants. Je n’ai eu que le temps de me sauver, sans quoi j’allais au Châtelet comme tant d’autres. »


XXXVI

LE CHÂTELET. — CASERNE LOBAU. — SQUARE SAINT-JACQUES.

Quand les convois de condamnés étaient arrivés à la caserne, la porte de métal s’ouvrait pour les recevoir, puis se refermait sur eux.

Aussitôt la fusillade partait.

Je voudrais pouvoir douter de ce qui suit : mais j’ai reçu, des côtés les plus divers, des témoignages concordants ; ce qui se passait dans l’intérieur de la caserne, une fois les portes fermées, ce n’était pas une exécution, c’était une chasse. La configuration des lieux aurait rendu fort difficile, à cause du ricochet des balles, des exécutions collectives aussi nombreuses dans les conditions ordinaires. On ne s’amusait pas à aligner les condamnés contre le mur ; comment faire ? il y en avait quelquefois quarante d’une même fournée. On lâchait les prisonniers dans la cour, et les exécuteurs les tiraient en quelque sorte au vol.

Tandis que les malheureux se répandaient pêle-mêle, à l’improviste, des feux de peloton éclataient, frappaient dans le tas. La plupart tombaient ; mais le hasard des balles avait épargné des victimes ; quelques-unes, atteintes, se débattaient, se relevaient avec effort, d’autres