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soldats appelaient les prisonniers, suivant qu’ils étaient condamnés à mort ou provisoirement épargnés, les « voyageurs pour Lobau » ou les « voyageurs pour Satory ». (Figaro du 30 mai.)

Laissons, pour le moment, les « voyageurs pour Satory » (nous les retrouverons plus tard), et suivons les « voyageurs pour Lobau ». On les attache « deux à deux par le poignet » (l’abbé Vidieu). Puis le convoi se dirige par les quais vers l’abattoir. « Ils marchent deux par deux, escortés par un peloton de chasseurs à pied. Une escouade de chasseurs ouvre et ferme la marche » (les Débats du 31 mai). On devine que la foule ne leur épargne pas les injures sur leur passage.

Un témoin m’adresse une lettre où il décrit en ces termes le spectacle que présentaient les convois de prisonniers :

« Le 28 mai 1871, à deux heures de l’après-midi, j’étais en face du Châtelet. J’ai vu en deux heures sortir six convois pour Versailles et autant pour la caserne Lobau. J’ai vu dans tous ces convois beaucoup de jeunes filles ou de jeunes femmes. La foule qui stationnait là était composée d’hommes en blouse bleue et de femmes en mouchoir sur la tête. Tous ces gens hurlaient sur le passage des prisonniers.

« J’ai vu sortir de la cour martiale six enfants conduits par quatre sergents de ville. L’aîné des enfants avait à peine douze ans, le plus jeune à peine six ans. Les pauvres petits pleuraient en passant au milieu de la baie formée par ces misérables… « À mort ! À mort ! » criaient ces bêtes fauves, « cela ferait des insurgés plus tard. »

» Le plus petit des enfants était nu-pieds dans des sabots, n’avait que son pantalon et sa chemise, et pleurait à chaudes larmes.