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naissance de cause ». Il faut croire alors que les juges étaient singulièrement perspicaces. Les prisonniers étaient amenés par centaines, ils étaient envoyés à la mort par vingtaines. C’est dire combien l’instruction était expéditive, le procès brusqué, la défense abrégée, et l’arrêt vite rendu. Pas de papiers, pas de témoins ; pour discussion, les quelques mots que pouvaient placer un malheureux épouvanté entre de brutales questions. Rien de si étrange que les chefs d’accusation. On amena là une femme dont le seul crime était d’être la concierge d’Édouard Lockroy ! Elle jurait qu’elle n’avait rien fait.

— Mais, lui dit la cour, vous remettez ses lettres à M. Lockroy[1].

Par exception, on voulut bien ne pas punir ce crime de la peine capitale. En revanche, voici quelques-uns des jugements rendus « en parfaite connaissance de cause ».

Villain travaillait à éteindre l’incendie de la préfecture de police. M. Ansart ordonne à deux pompiers de le conduire au Châtelet. Que prétendait savoir M. Ansart ? Qu’une rumeur vague accusait Villain d’être un des incendiaires. Que savaient les pompiers ? Que M. Ansart leur avait ordonné d’arrêter Villain. Que savait la cour prévôtale ? Ce que les pompiers avaient pu lui dire… Et le soir, Villain était exécuté.

On amène au Châtelet tous les blessés d’une ambulance. Quel est leur crime ? Leur blessure. Elle fait supposer qu’ils se sont battus. Mais beaucoup de Parisiens, tout à fait étrangers au combat, ont été atteints par accident, en se risquant trop tôt dans les rues. — Peu im-

  1. M. Édouard Lockroy a publié dernièrement dans le Rappel le fait, qu’il m’avait raconté dès 1871.