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d’incendie qui avait été rapidement éteint. Les flammes, qui dévoraient en face la maison de Weber et de Mozart, avaient épargné la scène vouée aux féeries et aux drames militaires, où les dernières générations de l’empire ont entendu chanter la romance : Ôte donc tes pieds d’là.

Dans les derniers jours de la semaine de Mai (du mercredi 24 au lundi 29), on donnait au Châtelet un spectacle différent, mais qui n’attirait pas moins les curieux. Une foule serrée grouillait et criait sur la place. Des municipaux à cheval (comme pour les grandes représentations de l’Opéra ou des Français) contenaient la multitude du poitrail de leurs montures et dégageaient le large trottoir qui entoure le théâtre. Sur ce trottoir, on voyait stationner et se promener des officiers, des soldats, des policiers. Quelques officiers étaient assis sur des chaises. La porte était gardée par un agent de la sûreté, de grande taille et de mine patibulaire, l’arme au bras, le pistolet à la ceinture, une bande tricolore au képi.

Des prisonniers arrivaient à chaque instant.

C’était un va-et-vient continuel, tantôt des convois nombreux, tantôt des hommes isolés.

Il y avait de tout dans les malheureux que les détachements de troupes amenaient. L’abbé Vidieu y note « des gardes nationaux, des hommes en blouse, des femmes des faubourgs, des cantinières, des enfants déguenillés ». Ajoutez les passants arrêtés dans les rues, les gens arrêtés dans leurs maisons, les blessés ou les malades d’une ambulance évacuée sur la cour martiale. On en amenait de tout Paris, depuis le quartier des Champs-Élysées jusqu’au faubourg Saint-Antoine.

Il leur fallait traverser la foule pour arriver jusqu’à la porte : au milieu de quelles huées, de quelles insultes,