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C’est ainsi que Tony-Moilin vit s’écouler cette étrange nuit de noces, mêlée à la veillée de la fusillade, et se lever son dernier jour aux vitres de la salle basse. On avait été réveiller un notaire, à côté, rue de Condé, pour dresser le contrat de mariage. Son arrivée interrompit le tête-à-tête des deux époux, surveillés par leurs geôliers. Cette triste union, sur le conseil du notaire, eut pour contrat un testament. L’acte est daté de sept heures du matin. Le maire, M. Hérisson, arriva à huit heures et procéda tristement au mariage. Quel temps que celui où un magistrat municipal était contraint de mettre dans la main d’une femme celle d’un homme que lui amenaient, à lui, représentant de la loi, et qu’allaient lui reprendre des meurtriers !

On ramena les deux époux dans la salle où ils avaient passé la nuit. Puis, au bout de dix minutes, on fit demander madame Tony-Moilin. Elle sortit et trouva un prêtre. Le lecteur sait que les massacreurs étaient grands amis de la religion. « Madame, dit-il, il faut aussi légaliser votre union devant Dieu ! » Et il se mit à débiter le mysticisme de circonstance ; à parler de l’âme et de la matière, à invoquer ce Dieu qui permettait à son prêtre d’être l’aumônier en titre du massacre. N’est-il pas étrange qu’un ministre de l’Évangile, mêlé à ces boucheries, crût avoir à parler aux victimes et non aux bourreaux ?

Madame Tony-Moilin promit de transmettre les adjurations du prêtre à son mari. Celui-ci l’interrompit aux premiers mots : « Est-ce que tu as changé d’avis ? dit-il. — Mais si nous nous trompions ! — Nous ne nous trompons pas. » Et Tony-Moilin alla faire lui-même la réponse : « Nous vous montrerons que nous pouvons avoir nos martyrs comme le catholicisme », lui dit-il. L’abbé demanda, au moins, au condamné la per-