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ment, pour les fonctions d’administrateur du VIe arrondissement, fonctions que je n’ai remplies que pendant quelques jours ; quant à mes idées sur la Commune, elles ne sont pas celles que vous pensez.

» Ici Tony-Moilin cessa de parler. Une rêverie soudaine semblait avoir envahi son esprit tout entier ; son regard était devenu vague ; il paraissait avoir oublié aussi bien le lieu où il se trouvait que l’accusation qui pesait sur lui, et ce fut certainement plus en se parlant à lui-même qu’en s’adressant au tribunal que je l’entendis murmurer à voix basse, en ponctuant chacune de ses phrases d’une sorte de hoquet nerveux.

» — Oui, la Commune a commis des fautes… Elle s’est perdue en chemin… Ce n’est pas cela qu’il fallait faire… Ils n’ont pas su résoudre le problème…

» Il prit sa tête entre ses deux mains, comme s’il eût voulu comprimer les pensées tumultueuses qui l’assiégeaient ; puis redressant tout son corps dans une fière altitude, le bras levé, le visage illuminé, d’une voix claire et grave, il s’écria hautement :

» — Moi, je suis pour la République universelle et pour l’égalité parmi les hommes.

» Il y eut des rires dans la salle, immédiatement réprimés par le président.

» Cette scène m’avait profondément ému, je ne connaissais que fort peu Tony-Moilin, mais je l’avais maintes fois rencontré, en 1868, dans les réunions publiques. Je le savais épris des idées de réformes sociales, mais aussi animé d’un esprit paradoxal et quelque peu chimérique ; sentimental à l’excès, doux et bienveillant, on sentait en lui la foi d’un apôtre.

» Le président avait repris la parole.

» — Les principes que vous énoncez ne font que confirmer les renseignements que nous avons sur votre