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» — Voilà bien ces jolis farceurs ! exclama-t-il : ils ont profité de ce qu’ils étaient enfermés dans Paris et qu’ils ne pouvaient aller gobelotter à la barrière pour se mettre à jouer au soldat et apprendre à charger une arme…

» Il se tourna de mon côté pour achever sa phrase :

» — Afin de nous f… une danse… si vous aviez pu, fit-il en concluant.

» Ma colère allait éclater, mais je la contins, et puis j’étais à bout de forces. L’émotion, cependant, faisait encore vibrer ma voix quand je pus lui répondre :

» — Monsieur, vous n’étiez pas né que, déjà, pendant sept ans, j’avais servi mon pays, et que je savais mon métier de soldat ; si j’ai pris le fusil au moment de la guerre, c’était pour vous apporter un aide dont vous aviez grand besoin, mais dont vous avez su bien mal vous servir.

» Le petit officier leva sa badine, et je ne sais ce qui allait arriver, quand le capitaine-prévôt s’interposa, et appelant mes gardiens, témoins muets de cette scène :

» — Empoignez-le moi, leur cria-t-il, et remmenez-le à son cachot. »

Ce répit sauva M. Parent. Presque aussitôt après, l’ordre arriva au Luxembourg, de la part de M. Thiers, de suspendre les exécutions. Tony-Moilin venait d’être exécuté ! M. Parent fut dirigé sur Versailles. Il comparut, deux mois après, devant un conseil de guerre régulier : il fut acquitté, bien entendu, sans difficulté aucune.

Le lecteur connaît maintenant la cour prévôtale du Luxembourg. Si le ministère de la guerre ouvrait ses dossiers, on connaîtrait probablement le nombre de ses victimes. Il y avait un greffier, des pièces. Assurément les listes existent encore. On ne les avouera peut-être jamais. Tout ce que je puis dire, c’est que le chiffre de ces victimes est très fort.