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portant la redingote ou la tunique à brassard, qui encombraient la salle avec les argousins et les soldats.

Ce public se mêlait au procès, insultait les accusés, et les recommandait à la sévérité des juges.

Lorsque M. Ulysse Parent entra, les juges étaient « deux jeunes officiers, le cigare aux lèvres, assis à une méchante table de bois noir couverte de papiers ». Car on fumait là, en condamnant les gens à mort. Un capitaine de la garde républicaine paraissait de temps à autre, et prenait alors la présidence. Au reste, le tribunal semblait se renouveler d’une façon assez arbitraire. Mais les très jeunes gens dominaient.

Il faut insister sur ce point : partout, dans cette terrible semaine de Mai, les plus féroces furent les jeunes gens coquets, à peine sortis de Saint-Cyr, retroussant avec prétention, sur leur lèvre d’adolescent, l’espérance de leurs futures moustaches, et qui paraissaient fiers de leur massacre comme un collégien de son premier cigare. La vie de tous les Parisiens était donc à la merci de ces petits crevés de l’armée qui croyaient se grandir par la férocité.

On avait fait asseoir M. Parent dans un coin ; et voici ce qu’il vit :

« Plusieurs pauvres diables défilèrent successivement devant les juges. Les uns avaient été arrêtés sur des dénonciations de voisins ; d’autres dans des razzias qui comprenaient des maisons tout entières ; quelques-uns comme porteurs de l’uniforme des fédérés. Tous, indistinctement, après un interrogatoire sommaire et une défense plus sommaire encore, étaient impitoyablement renvoyés dans quelque cave semblable à celle qui m’avait servi de geôle provisoire.

» Toutefois, et, à ma grande surprise, deux ou trois accusés, sur lesquels pesaient non les moins lourdes