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maladif, semblait complètement hébété ; il était hors d’état de répondre : « Classé », dit encore l’officier.

On les conduisit tous les trois dans une salle du rez-de-chaussée. Ils en ressortirent au bout de quelque temps, avec un écriteau attaché au dos : Incendiaires de l’hôtel-de-ville.

Le témoin qui m’a fourni ce récit s’approcha alors de ces trois hommes. Le premier lui dit avec calme : « C’est mon affaire : je me suis battu pour la République. On veut nous l’escamoter. Je voudrais pouvoir me battre encore. » Mais l’ancien soldat se révoltait contre l’idée de la mort. « J’ai quatre enfants, disait-il. » Et il demandait en grâce qu’on allât chercher M. de Mac-Mahon sous lequel il avait servi et qui l’avait fait décorer. Il fallut lui représenter que c’était chose impossible ; qu’on ne saurait où trouver le maréchal ; qu’on n’arriverait pas jusqu’à lui ; et que si, par miracle, on y réussissait, on reviendrait trop tard. Le confesseur des fusillés était là, essayant de placer son sacrement : mais il n’y réussissait pas.

Enfin on les mit tous les trois au mur, devant la rue de Tournon, à l’endroit où, peu après, on voulut fusiller Millière. On les plaça la face contre la pierre, le dos tourné au peloton, suivant l’insultante habitude des fusilleurs, et montrant aux passants l’écriteau calomnieux. Puis le peloton tira… et on laissa les cadavres sur le trottoir avec l’écriteau attaché au-dessus de leur tête. La nuit, une lampe, placée exprès, éclaira cet exemple de la justice versaillaise…

Entrons maintenant à la cour martiale.