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sommaire encore. Les prétendus juges étaient là, et on fusillait sans prendre même la peine d’aller jusqu’à eux. Ce fut le cas pour Millière. Un témoin oculaire me cite un exemple d’exécution où le jugement du tribunal fut remplacé par une procédure encore moins compliquée.

Ce témoin a vu arriver, vers sept heures du soir, au Luxembourg, une trentaine de fédérés escortés d’agents en bourgeois et d’un détachement de ligne.

Les prisonniers entrèrent dans la cour d’honneur ; on les aligna sur deux rangs ; trois d’entre eux furent mis en tête du premier rang ; un agent les signala à l’officier comme « incendiaires » de l’Hôtel-de-Ville. Or, à ce moment, l’Hôtel-de-Ville brûlait depuis deux jours ; l’incendie avait été allumé alors que le quartier était encore au pouvoir des fédérés, l’affirmation de l’agent ne pouvait donc reposer que sur une dénonciation sans autorité, peut-être sur le numéro du bataillon auquel appartenaient des prisonniers : en ce temps, où un mot pouvait entraîner une exécution, les reporters de journaux de Versailles avaient publié une liste plus ou moins fantaisiste des bataillons qui avaient pris part à l’incendie de l’Hôtel-de-Ville.

L’agent signala, en outre, le premier comme ayant eu un grade dans la garde nationale, et venant d’arracher ses galons : précaution habituelle chez les prisonniers. On le fouilla ; sous sa vareuse on trouva un guidon jaune avec un morceau de hampe. L’officier l’en frappa à la tête ; il pinça les lèvres sans dire mot. C’est un coquin, dit l’agent. L’officier répondit : Classé.

Le second, dénoncé comme ancien soldat, répondit qu’en effet il avait servi, et avait obtenu la médaille militaire. « Beaucoup l’ont comme toi, et ne la méritent pas, » dit l’officier ; et il ajouta : « Classé ! »

Le troisième, un petit homme en blouse, à l’air