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En attendant, on vida ses poches, on lui prit sa nomination, signée Clément Thomas, sa montre, sa trousse, un couvert en melchior qui fit dire : « Ces b… — là ! ils avaient tout ce qu’il leur fallait ! » et une photographie de son frère, qui fit dire : « Tiens ! la tête de Rochefort ! » (Bien entendu, il n’y avait aucune ressemblance.) On finit par l’entraîner dans une écurie ; il y trouva ou vit arriver des compagnons de captivité.

L’un était un médecin de cinquante à soixante ans qui était sorti pour aller voir ses malades ; il y avait aussi un cocher d’omnibus fait prisonnier le fouet à la main ; puis un vieux professeur à moitié rasé : il était en train de se livrer à cette opération, quand des soldats avaient fait une perquisition dans la maison. On lui avait demandé s’il y avait des jeunes gens dans les autres appartements ; il avait répondu : Non. On en avait trouvé, on l’avait arrêté.

M. L… et ses compagnons étaient relativement heureux : on se contenta de les diriger sur Versailles. Pour cela, on les fit ranger dans un couloir, la face contre le mur. Un officier de chasseurs à pied prit une corde et ordonna aux prisonniers de mettre les mains derrière le dos. Le voisin de M. L… fut sanglé le premier. La corde lui déchirait les poignets. « Si la route est un peu longue, dit-il, je ne pourrai la faire ainsi. — Ah ! tu réclames », dit l’officier : et il serra le nœud de telle sorte, que le sang jaillit jusque sur M. L… Heureusement il laissa à un soldat plus compatissant le soin de corder les autres.

On attacha avec les autres une femme qui venait réclamer son mari.

C’est ainsi qu’on formait les colonnes de prisonniers au parc Monceau, le mardi 23 (second jour de l’entrée des troupes, — avant les incendies).