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XXVIII

LE PARC MONCEAU

Le parc Monceau était un des endroits où se faisait une sorte de triage parmi les prisonniers. Un de ceux qui y ont passé sans être exécuté, m’a donné à ce sujet de curieux détails. C’était un aide-major de la garde nationale, M. L… qui se trouva, le lundi, organiser le service des ambulances à la mairie des Batignolles. Dans la nuit du lundi 22 au mardi 23, les fédérés renoncèrent à la résistance ; le mardi matin, l’armée occupa le quartier sans difficulté, M. L… fut arrêté au milieu de ses blessés. Il portait le képi, la vareuse, le brassard de Genève, un tablier ensanglanté. On disait sur sa route : « Tiens ! un médecin ! on va lui faire son affaire ! »

Il fut conduit avec un capitaine fédéré au collège Chaptal, et de là au parc Monceau. On obligeait en route les deux prisonniers à rester nu-tête. Il pouvait être sept heures du matin quand ils arrivèrent au parc Monceau. On les conduisit dans la cour d’une maison, en face. Un lieutenant de gendarmerie qui se trouvait là dit : « Qu’y a-t-il ? — C’est un médecin. » Le lieutenant (je tiens tous ces détails de la bouche de M. L…), le lieutenant lui mit un revolver sur la tempe gauche. « Un mot de plus et je te brûle. » Puis il continua : « Ah ! canaille ! tu ne dis plus rien, tu as peur de mourir ! »

Puis M. L… dut se mettre contre le mur. Il entendait toujours dire aux soldats : « On va lui faire son affaire ! »