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arrivèrent, un misérable que je ne nomme pas, et qui dénonça plusieurs des victimes du VIe arrondissement, se hâta de signaler Salvador et d’indiquer son adresse. L’officier, averti, n’eut pas une hésitation ; il ne lui vint pas à la pensée que le crime de Salvador pouvait ne pas entraîner la peine capitale ; il fit les choses tranquillement, froidement, sans un mot d’explication. Et les habitudes des vainqueurs étaient si connues, que Salvador n’eut pas un geste de surprise.

Il mourut avec une intrépidité calme.

Je reproduis le récit du Figaro :

« Un officier suivi de quelques soldats se précipita vers la demeure de Salvador, qui lui était recommandé d’une façon toute spéciale. Il le trouva en bottes molles, étendu sur le canapé dont il a été parlé plus haut, et fumant une cigarette.

» — Vous êtes le citoyen Salvador ?

» — Oui, dit l’autre sans sourciller…

» — Maintenant que vous êtes découvert, vous savez le sort qui vous attend ?

» Salvador haussa les épaules avec une fierté toute castillane.

» Ils descendirent et marchèrent silencieusement. Au coin de la rue Bonaparte, le peloton s’arrêta.

» Salvador devint légèrement pâle, et dit avec un sourire :

» — Ah ! fort bien, je vois ce que c’est…

» — Vous viserez là, dit-il aux soldats en montrant son cou.

» Il s’agenouilla, regardant la troupe d’un œil qui jetait un dernier défi à la société. Une détonation retentit. Francesco Salvador, homme de lettres et ancien directeur du Conservatoire, avait cessé d’exister. »