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Champs, mon confrère et ami, M. J. Destrem, voyait un soldat assis sur une borne, avec un cercle de passants installés autour de lui. Il se joignit au cercle. Le soldat — un gars de la campagne, — racontait l’exécution de Millière, à laquelle il venait de prendre part. Il la racontait simplement, indifféremment, sans répugnance pour le meurtre, sans colère contre la victime, dans son gros patois de paysan, comme il aurait raconté rachat d’une vache à la foire.

On connaît, dans le Don Juan de Molière, le comique récit du villageois Pierrot. Imaginez Pierrot prenant pour sujet un tel drame, et mêlant son jargon à ces horreurs ! Le soldat répétait sans cesse : « Il criait : Vive l’humanité ! Vive l’humanité ! » Comme si ce mot l’avait frappé comme une formule cabalistique.

En 1873, madame veuve Millière intenta un procès au capitaine Garcin à raison de la fusillade de son mari. M. Garcin ne prit pas la peine de constituer avoué. Il fut couvert par un mémoire du préfet de Seine-et-Oise et par la pièce suivante :

MINISTÈRE DE LA GUERRE

État-major général

Cabinet du ministre

Versailles, 26 mars 1873.

» Le capitaine Garcin, attaché à l’état-major général du 2e corps, n’a agi pendant le second siège de Paris, qu’en vertu des ordres qu’il a reçus de ses chefs.

» Il ne peut donc être, en aucune façon, recherché au sujet des faits qui ont été la conséquence de ces ordres. La responsabilité en reste tout entière à ceux qui les ont donnés, et dans l’affaire Millière en parti-