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intrépidement, « joue la comédie » ; cet officier insultant jusqu’au courage de sa victime par ce mot inqualifiable : « Vous faites de la mise en scène » ; et tout cela se passant, non dans l’accès de colère d’une foule ni d’une troupe exaspérée par le combat, mais sur un ordre donné froidement, par un chef, entre la poire et le fromage… qui croirait à tant d’horreur, si M. Garcin n’avait pris la peine de s’en vanter dans un document officiel.

Millière agenouillé, on commande le feu. Ici, je laisse la parole à Louis Mie :

« Une moitié des fusils du peloton s’abaissa seule sur lui ; les autres restèrent au bras des soldats. Pendant ce temps, et, croyant la dernière minute venue, Millière poussa trois fois le cri de : « Vive la République ! » Le commandement avait été mal exécuté, sans doute, car les fusils ne partirent pas, et l’officier s’approchant du piquet de troupes fit redresser ceux qui trop hâtivement s’étaient abaissés.

» Puis il indiqua avec une épée comment allait être donné l’ordre de feu.

» — Vive le peuple ! vive l’humanité ! cria Millière.

» Le soldat factionnaire, dont le coude touchait mon bras, répondit à ces derniers mots par ceux-ci : on va t’en foutre de l’humanité ! » Je les avais à peine entendus que Millière tomba foudroyé. »

Un militaire « que je crois être un sous-officier », dit M. Mie, et qui d’après un autre témoin était un officier, escalada rapidement les marches et déchargea un coup de revolver, — le coup de grâce, — au visage du fusillé.

M. Garcin dit simplement :

« On a procédé à son exécution. Il a crié : Vive l’humanité. Il allait crier autre chose quand il est mort. »

Une heure ou deux après, rue Notre-Dame-des--