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du Panthéon, qui s’ouvrit, se referma brusquement sur Millière. Le malheureux fut placé entre les deux colonnes du milieu. Il déboutonna lentement, un à un, tous les boutons de son gilet et découvrit sa poitrine. M. Louis Mie le vit tirer de sa poche une lettre et de son cou une montre ou un médaillon qu’il donna à l’officier placé à côté de lui. Puis l’officier (je cite le récit de Louis Mie) « le plaça de façon qu’il fût fusillé par derrière. Ce dernier se retourna d’un geste brusque, et les bras croisés fit face à la troupe. C’est le seul mouvement d’indignation ou de colère que je lui aie vu faire. Jusque-là Millière avait été impassible. Quelques paroles furent échangées. Millière paraissait refuser d’obéir à un ordre. »

M. Garcin va encore nous raconter ce qui se passait :

« Il s’est refusé à être fusillé à genoux. Je lui ai dit : C’est la consigne, vous serez fusillé à genoux et pas autrement. Il a joué un peu la comédie ; il a ouvert son habit, montrant sa poitrine au peloton chargé de l’exécution. Je lui ai dit : « Vous faites de la mise en scène ; vous voulez qu’on dise comment vous êtes mort. Mourez tranquillement. Cela vaut mieux. — Je suis libre, dans mon intérêt et dans celui de ma cause, de faire ce que je veux. — Soit ; mettez-vous à genoux. » Alors il m’a dit : « Je ne m’y mettrai que si vous m’y faites mettre par deux hommes. » Je l’ai fait mettre à genoux… »

En effet, tous les témoins dont j’ai les récits sous les yeux, virent l’officier revenir vers la troupe, puis un soldat s’en détacher sur son ordre, aller à Millière, et le forcer de se mettre à genoux en pesant sur ses épaules.

Cet officier raillant et brutalisant celui qui va mourir ; cet officier trouvant que cet homme, parce qu’il meurt