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L’énergie imprimée dans les traits relevait chez lui l’aspect correct du bon employé de bureau. C’était à force d’énergie et d’âpre travail que Millière s’était fait ce qu’il était. Fils de tonnelier, je crois, il était arrivé d’abord au grade de docteur en droit. Quand il perça, dans les dernières années de l’empire, il y avait longtemps qu’il luttait.

Il avait l’amère passion de ceux qui ont souffert. Mais il savait la régler et la maîtriser. Ses façons régulières et calmes, sa parole d’une rare habileté, exerçaient une étonnante action. Au procès de Tours, il obtint un succès d’autant plus éclatant qu’il était imprévu. Sa déposition fut un véritable discours, qui révélait un orateur ; on chercha vainement à en atténuer l’effet. On interrogea les gendarmes qui l’accompagnaient : il avait su séduire jusqu’aux gendarmes ! Et leurs réponses confirmèrent ses paroles.

Millière était membre de l’Assemblée quand le mouvement du 18 mars éclata. Personne ne le déplora plus que lui. Il se rangea parmi les députés et les maires qui essayèrent d’arriver à une conciliation. Un membre conservateur de l’Assemblée, M. de Saint-Pierre, parle en ces termes de l’attitude de Millière dans l’enquête sur le 18 mars (tom. II, p. 519) :

« J’ai vu Millière pleurer dans mon bureau. Je lui ai entendu dire : « Ce que c’est que le peuple de Paris ! Il n’y a de bons que les gens de la campagne. Les autres ont une éducation factice. » Il pleurait en disant cela. Il avait l’air d’un fou ! »

M. de Saint-Pierre ne traduit probablement pas avec une grande exactitude les paroles de Millière : mais on peut au moins voir dans ce témoignage combien le député de Paris était éloigné du mouvement du 18 mars.

La guerre civile éclata : Millière resta à Paris. Mais