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La victoire assurée, la sagesse de la démocratie avancée ne se démentit pas. Tout le monde sait en quels termes l’amnistie fut réclamée à la Chambre par tous ceux qui avaient mandat de parler au nom des grandes villes. On demandait l’oubli et l’apaisement : on leur donna ce premier gage, de taire les horreurs et les excès de la répression. En vain les adversaires de l’amnistie exploitaient avec une passion furieuse les sanglantes violences des insurgés : on mettait dans la réponse autant de réserve, qu’ils mettaient dans l’attaque d’imprudence et de provocation.

De là ce résultat qui surprendra l’avenir : il y a eu, en mai 1871, dans Paris, un massacre qui, pour le nombre de ses victimes, pour le hasard de ses coups, pour l’horreur de ses épisodes, n’est comparable à rien de ce que la ville a vu depuis la Saint-Barthélemy. La page où ce massacre sera écrit dans l’histoire est encore blanche. Les innocents fusillés parce qu’ils avaient des « godillots », les colonnes de prisonniers éclaircies à coups de revolver ou de sabre, les blessés et les malades tués dans les lits des ambulances, je ne sais combien de cours martiales décrétant les exécutions, chaque carrefour transformé en fosse commune, tout ce passé si monstrueux et si récent, personne ne l’a raconté, on s’est borné à en détacher quelques épisodes ou plutôt à y faire quelques allusions.

Quelle a été la conséquence ? Que tout ce qui se sent au ventre la rage de la modération a exploité ce silence pour tromper l’opinion, pour ameuter les indifférents contre l’amnistie, pour ajourner l’apaisement d’année en année et de Chambre en Chambre.

Aujourd’hui, il faut parler.

Ceux qui s’intitulent les « sages », ont si bien fait, par leur obstination, que cette question brûlante, que