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On avait répandu dans l’esprit des troupes, entre autres calomnies, l’idée que les Parisiennes essayaient d’empoisonner les soldats. M. Thiers, beaucoup plus politique que véridique, n’hésitait pas, pendant la semaine de Mai, à affirmer qu’en effet on l’avait tenté. La dépêche du 27 (6 h. 10 m. du soir), affichée dans tous les départements, qualifiait les fédérés de « gens qui incendiaient nos villes et nos monuments, et qui avaient préparé des liqueurs vénéneuses pour empoisonner nos soldats presque instantanément. » On ne contestera pas à l’auteur de l’Histoire du Consulat et de l’Empire la paternité de cette dépêche : elle est signée de lui à chaque ligne.

Or voici ce qu’atteste, dans l’enquête parlementaire, M. le maréchal de Mac-Mahon :

« Un membre. — Est-il vrai qu’il y ait eu des cas d’empoisonnement ?

» M. le maréchal. — J’ai entendu dire qu’un homme avait été transporté au palais de l’Industrie, dans l’ambulance dirigée par le docteur Chenu ; il avait des coliques très fortes ; on croyait qu’il avait été empoisonné. Les docteurs Chenu et Larrey, qui l’ont examiné, ont été de cet avis. Je crois que cet homme a succombé. Il aurait été empoisonné par une femme qui lui a donné à boire. C’est le seul fait de ce genre dont j’aie entendu parler. »

(Enquête parlementaire sur le 18 mars. T. II, p. 26.)

Ainsi un cas d’empoisonnement, et encore présenté au conditionnel, voilà tout ce dont le commandant en chef a entendu parler.

En somme il n’y eut pas plus d’empoisonneuses qu’il n’y eut de pétroleuses dans les quartiers déjà conquis. Mais on offrait à boire à des soldats qui arrivaient exténués, échauffés par la marche et le combat sous le