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Laromiguière, cinq ou six fédérés sont cernés par les chasseurs de Vincennes ; ils jettent leurs armes ; on tire sur eux ; ils courent de tous côtés ; on les tue à coups de fusil un à un. Il en restait un dernier : il criait : « À l’assassin ! » Il fut assommé à coups de crosse.

Je pourrais multiplier les épisodes ; je me borne à citer un dernier témoignage.

Un peintre de talent, M. R. Forcade, fils du célèbre écrivain politique que la Revue des Deux-Mondes n’a pas remplacé, a vu les rues pleines de cadavres, et en a conservé des souvenirs précis et colorés, des souvenirs de peintre qu’il a bien voulu mettre à ma disposition. Voilà ce qu’il trouva dans un espace de 300 mètres.

Rue des Écoles, à l’endroit où se trouve aujourd’hui un square et un escalier conduisant au Collège de France, gisaient deux vieillards, et un peu plus loin, trois autres corps, dont l’un était celui d’une femme à peine vêtue d’un méchant jupon. Aucun des fusillés n’avait d’uniforme. Les passants regardaient et se taisaient. Un geste de pitié eût pu être imprudent.

Un peu plus loin, au coin de la rue des Écoles et de la montagne Sainte-Geneviève, quelques maisons en arrière de l’alignement forment un renfoncement assez vastes. Il y avait là, pêle-mêle, près de quatre-vingts cadavres, parmi lesquels se trouvaient des corps de femmes, une cantinière, une jeune fille de dix-sept ans, portant encore au sein gauche la cocarde rouge qui peut-être lui avait coûté la vie, des enfants de treize à quinze ans.

Au moment où M. Forcade regardait les morts avec un de ses amis, M. C…, docteur en droit, des soldats arrivèrent, amenant un prisonnier portant le képi de capitaine fédéré. M. C… reconnut le sous-lieutenant qui commandait le détachement, et avec lequel il avait