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une détonation sourde, et aperçoivent une légère fumée. » — C’est du no 14 que part cette fumée, dit l’officier. On enfonce à coups de crosse la porte du no 14.

» Le concierge était un vieillard de soixante-quinze ans, impotent et retenu au lit par la maladie. Il s’appelait Coupevent. On l’arrache brutalement du lit, on le traîne au fond de la cour. Il était pieds nus ; il avait à peine pu passer son pantalon que retenait une seule de ses bretelles ; sa chemise était lacérée ; il était plus blême qu’un cadavre : « Je vous jure, monsieur le capitaine, hurlait-il, que personne n’est entré, que personne n’a pu tirer un coup de pistolet dans la maison ; il n’y a que de pauvres femmes chez nous ; je suis le seul homme. » Et sa femme se traînait sur les genoux aux pieds de l’officier.

» On fouilla minutieusement ; rien, pas la moindre trace d’insurgé. Le vieux concierge était toujours là, grelottant de fièvre et de peur. « Fusillez-le ! » cria le capitaine à ses quatre hommes. Ceux-ci ne bougèrent pas.

» Mais l’officier hurla de nouveau : « Feu ! donc, vous dis-je. » Les soldats abaissèrent leurs armes ; pas un pourtant n’osa ou ne voulut tirer. Alors, il prit et arma son revolver. La femme, comme une furie, s’attacha à lui : « Non, vous ne l’assassinerez pas comme ça, malheureux ! Il n’a rien fait, tuez-moi plutôt. » Le jeune capitaine était plus fort que la vieille : il l’envoya rouler à deux pas ; puis, à bout portant, froidement, sans se presser, il fit sauter la tête du vieux concierge d’un coup de revolver. Le cadavre roula dans la boue qu’il ensanglanta.

» Depuis, on fait, nous a-t-on dit, une pension à la veuve »

Rue de la Vieille-Estrapade, au coin de la rue de