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des petites-maîtresses qui ne peuvent entendre une dissonance sans tomber en syncope ? Lorsqu’on fait tant que de monter au pouvoir, il faut avoir l’épiderme robuste à l’outrage. Une épigramme de journal ! Hé ! que vous importe ? Est-ce la première fourmi qui vous aura piqué ?

Une guerre de calomnie ? Mais vous avez à côté de vous la magistrature qui veille sur son siége, et qui saura bien, à l’occasion, refouler la phrase coupable dans la gorge du calomniateur. Vous pouvez vous fier à sa vigilance. C’est la femme de César ; elle est au-dessus du soupçon.

Une guerre de rue ? Ah ! Monsieur, pourriez-vous supposer qu’un journal va mettre un matin ses abonnés en tenue de campagne, et les envoyer la tente et le sac sur le dos livrer bataille, à qui ? à un gouvernement qui a vaincu la Russie, qui a défait l’Autriche, qui a dans la main, sous la main, ses lois contre les cris séditieux, ses lois contre les attroupements, ses lois contre les tentatives de rébellion, ses lois contre les sociétés secrètes, ses lois contre les intelligences à l’intérieur, et enfin, derrière ces lois écrites, ces autres lois vivantes, quatre cent mille hommes d’infanterie, cent mille hommes de cavalerie, deux mille pièces d’artillerie, deux mille canons rayés, les forts détachés, les forteresses, des yeux partout, des oreilles partout, et des ordres partout portés et rapportés, avec la rapidité des rayons du soleil, par les estafettes invisibles du télégraphe ! Attaquer le pouvoir dans cette condition, c’est vouloir prendre la foudre avec la main ; une folie, et rien de plus. Dans ce cas, Charenton suffit.