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Quelle est l’arme, en effet, la plus dangereuse qu’ils puissent tourner contre vous ? C’est la revendication d’un principe de justice. Quand vous retirez un droit à un parti, vous faites de ce parti le représentant de ce droit, vous l’habillez de la pourpre de ce droit, vous le revêtez de la majesté de ce droit, et vous vous affaiblissez de toute la force d’emprunt que vous lui avez communiquée par votre imprudence.

Il y a un mot, le plus beau de toute langue parlée, le mot de liberté, car ce mot représente la nature supérieure de l’homme, toute dignité, toute prospérité ici-bas, puisqu’en traversant une contrée on peut dire à coup sûr, en voyant la moisson ou la terre en friche : Voilà un peuple libre ou voilà un peuple esclave. Et quand vous avez ou quand vous craignez d’avoir en face de vous une opposition ardente, voici qu’à point nommé et de propos délibéré vous laissez, que dis-je ! vous mettez vous-même dans la main de cette opposition, quoi donc ? ce mot de liberté, votre premier danger, le premier besoin d’un peuple, le premier cri de l’âme marquée au cachet royal de la fierté.

Vous créez ainsi, de gaieté de cœur, le parti libéral, le seul formidable contre vous ; car il forme le trait d’union de tous les autres partis, car il attire sans cesse à lui, comme à un rendez-vous commun, toutes les intelligences, toutes les souffrances, toutes les ambitions, toutes les candidatures du talent ; car il représente le gouvernement mystique de la vérité, car il a pour lui la complicité du temps, car l’Europe tout entière conspire pour la liberté, car partout où elle parle encore à haute voix c’est la liberté qu’elle proclame, et