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eh bien ! franchement, est-ce pour avoir signé la liberté de la presse ou pour l’avoir refusée que le roi de Naples mange, à l’heure où je parle, le pain du pape au palais Farnèse ? Est-ce pour avoir laissé la parole à l’opinion publique ou pour l’avoir tenue au secret que le duc de Modène aiguise chaque jour son sabre sur une borne de Vienne, et veut reprendre, à la tête de son régiment, une revanche de Solferino ?

Le fait désavoue donc, autant que le raisonnement, la théorie de M. de Persigny. La compression de la pensée n’a jamais fondé de dynastie, pas même la dynastie de Hanovre. Comment M. de Persigny peut-il ignorer que, le jour où la famille de Hanovre entrait en fonction, le peuple anglais possédait la liberté de la presse, écrite bien mieux que sur une feuille de papier ? Il possédait la liberté incarnée dans l’institution vivante du jury. Qu’on accorde en France à tout citoyen le droit de fonder un journal, et qu’on replace le délit de la parole sous la garantie du jury ; de ce moment nous avons touché notre part de la révolution française et nous acquittons 89 de la promesse qu’il nous a faite dans la Constitution.

Je reconnais sans doute qu’en signant le décret de novembre, M. de Persigny voulait de bonne foi épouser la liberté, sans consommer trop brusquement le mariage. Pendant toute la durée de cette lune de miel platonique, il a essayé de desserrer en douceur le régime de la presse, de la laisser respirer et parler un peu plus librement que par le passé ; mais il a pu constater à la pratique qu’il avait tenté une œuvre contradictoire. On ne donne pas et on ne retient pas la liberté, on la reconnaît,