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est un bien par elle-même, elle est un droit à plus forte raison, j’allais dire, avec M. Royer-Collard, le premier droit de la nation. Et on viendrait aujourd’hui opposer un droit à un autre droit, le droit de la dynastie au droit de la France ! Mais ce serait manquer de respect à l’une et à l’autre que de proclamer leur incompatibilité, ne fût-ce que d’un instant.

À supposer même un antagonisme provisoire entre le droit du peuple et le droit du souverain, lequel des deux devrait l’emporter sur l’autre, dans cette hypothèse ? Est-ce le peuple qui est fait pour le souverain, ou le souverain qui est fait pour le peuple ? M. de Persigny a-t-il donc oublié qu’un gouvernement sorti du suffrage universel mettra toujours son orgueil à n’être que le serviteur des serviteurs, et qu’une dynastie n’exerce un droit exceptionnel que pour mieux protéger précisément tous les droits de la nation ? En parlant ainsi, je crois flatter le gouvernement et en faire la théorie.

Et où donc ensuite, et sur quel point ignoré de la planète, M. de Persigny a-t-il vu que la compression de la pensée ait jamais servi à la fondation d’une dynastie ? J’aperçois bien une dynastie de fraîche date en Grèce, en Belgique, en Portugal, en Italie, car Victor-Emmanuel peut passer pour un roi de la veille à Florence ; mais c’est par la liberté de la presse que toutes ces dynasties printanières ont pris racine dans le peuple, et sur la liberté de la presse que toutes ont laissé fleurir leur popularité.

Il y a, en ce moment, par opposition, bien des dynasties tombées ou errantes le long des fleuves de l’Europe :