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pondrez-vous au Dieu de la vérité, lorsqu’il vous demandera compte de cette parole ?

Eh bien ! non, cependant ; quand je prends la nomenclature des autorisations données, j’y vois figurer tantôt le nom du rédacteur d’une feuille démocratique et sociale bien connue, et tantôt le nom d’un écrivain terroriste, d’un apologiste de la guillotine et encore aujourd’hui terroriste avec cette légère variante : qu’il appelle l’échafaud le principe d’autorité.

Je comprendrais enfin que l’autorisation préalable écartât du journalisme, avec une délicatesse d’hermine, le manieur d’argent, l’oiseleur de la Bourse, qui ne voit dans la presse qu’une pipée pour appeler et pour plumer l’actionnaire, car si la presse a une raison d’être dans ce monde, c’est d’être, avant toute chose, une œuvre de pensée, le catéchisme de l’opinion.

Mais non toujours. Quand je passe en revue les élus que le ministre a mis à la tête de journaux, je vois briller, sur la liste de sa préférence, certains banquiers qui n’avaient pas épousé le journalisme assurément pour l’amour de la pensée. Quelques-uns ont passé sur les bancs de la police correctionnelle ; tous n’ont pas été condamnés sans doute ; mais que de désastres, que de foyers renversés ils ont laissés derrière leur innocence !…

Est-ce votre faute ? Non, Monsieur, pas plus que la faute de vos prédécesseurs, je me hâte de le déclarer. C’est le tort de la situation : vous voulez juger des hommes, qu’en savez-vous ? qu’en pouvez-vous savoir ? M. Chassin sollicite la permission de publier un journal, on ne croit pas même devoir lui faire de réponse, et lorsque M. Jules Favre en demande la