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VII


C’est pour le journal que la législation actuelle déploie toute l’opulence de sa sévérité ; c’est contre le journal qu’elle amasse, qu’elle entasse, comme avec la main, précautions sur précautions : précautions préventives, précautions répressives, de l’autorisation préalable, du cautionnement, du droit de timbre, du droit de poste, de la nomination de la gérance, du choix de la rédaction en chef, de la signature de l’article, de l’avertissement, de la suspension, de la suppression, de la poursuite en police correctionnelle et de l’interdiction de la publicité des débats.

Je respire, Monsieur : j’ai fini. Et je ne parle pas de l’avertissement officieux, de ce personnage affable, en habit noir et en cravate blanche, qui fait de temps en temps une tournée dans les journaux et leur dit successivement avec une exquise courtoisie : Voici un cas réservé, taisez-vous de bonne amitié.

Croyez-vous cependant cette somptuosité de précautions indispensable au salut de la société ? Examinons cette question avec toute la déférence imaginable pour le décret de février. Permettez-moi d’abord de vous soumettre une réflexion.

J’entends dire souvent : la France n’est pas un pays de liberté, mais c’est la terre sacrée de l’égalité ; je connais même des égalitaires forcenés qui préfèrent