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un temps donné qu’elle signerait contre nous, mais bien une condamnation et une peine de chaque minute, puisque nous la porterions sans cesse, en nous, avec nous, jusque sur notre chevet. Lorsque nous irions nous asseoir à notre table de travail, nous l’entendrions nous murmurer : Quoi ! tu as menti à toi-même et tu veux parler aux hommes ! Ah ! plutôt le ciel en feu de l’Afrique, si jamais le malheur des temps voulait qu’on prît le soleil, le dieu de la lumière, pour châtiment de la pensée !

Il y a donc, Monsieur, dans la conviction, quelque chose d’involontaire qui échappe à la liberté et par conséquent à la responsabilité ; nous n’en avons ni le mystère, ni la disposition, et en bonne justice nous n’en devons porter ni le tort, ni le mérite. Nous connaissons, il est vrai, des esprits plus indépendants, qui ont une croyance à volonté, comme une toilette de rechange. Ils ne connaissent de vérité en politique que la différence du prix faible au prix fort, et chaque fois qu’ils disent quelque chose on est tenté de leur demander : Combien vous a-t-on payés pour parler ainsi ? Après cela il y a peut-être une considération à leur décharge : ils tirent ainsi d’eux-mêmes le meilleur parti. Ils n’ont d’autre talent que l’esprit de domesticité. La nature les a faits valets ; ils servent un maître, ils font leur métier.

Ainsi, pour nous résumer, l’écrivain n’a pas plus la liberté de choisir que de taire la vérité. Quand il croit la tenir, cette vérité lui brûle la main ; il faut qu’il l’ouvre et il l’ouvrira, dût-il ensuite offrir sa tête en otage. De tout temps l’homme a frappé l’homme pour une idée, et jamais, même sous la hache, l’idée n’a