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que constater qu’il avait perdu la confiance du chef de l’exécutif. Les représentants du peuple le soutenaient encore. Il y avait donc conflit entre le peuple et le Souverain.

Qui devait juger cette difficulté ? Qui devait régler ce conflit ? Qui devait prononcer en dernier ressort, non sur la constitutionnalité de l’acte du Lieutenant-Gouverneur ; mais sur l’opportunité de l’exercice, dans les circonstances, de la prérogative royale ?

C’était le peuple de la province de Québec, et lui seul. Aussi qu’a fait le Lieutenant-Gouverneur ? Aussitôt qu’il eut renvoyé ses ministres il en a appelé au peuple, au peuple qui était le véritable juge de la question, au peuple de la province, non pas au peuple de la Puissance du Canada, non pas au peuple du Nouveau-Brunswick, de Manitoba, qui n’a rien à voir dans nos affaires locales, mais au peuple de la province de Québec, le maître souverain de ses intérêts, de ses destinées. Et voyez. Monsieur, l’admirable application du gouvernement responsable.

Je suppose que le peuple consulté eût déclaré que le Lieutenant-Gouvemeur n’avait pas eu ’raison de démettre ses ministres et de choisir pour les remplacer le premier ministre actuel et ses collègues, quelle aurait été la conséquence ? Les aviseurs de Son Honneur, réhabilités, vengés par le peuple, auraient repris l’administration des affaires publiques. Démis par la couronne et réinstallés par le peuple, ils retrouvaient leur ancienne position ; et le représentant du Souverain était tenu de les subir ou de s’en aller ; il lui aurait fallu se démettre ou se soumettre.

La couronne choisit bien ses ministres, mais c’est le peuple qui les maintient ou les rejette. Et l’histoire d’Angleterre fourmille de précédents qui nous montrent les efforts faits par la couronne pour conserver des ministres qui n’avaient pas la confiance du peuple. Ces efforts ont toujours été vains, car le peuple a toujours fini par imposer sa volonté et la faire respecter. La voix du peuple est puissante, M. l’Orateur, et quand elle se fait entendre, quand, comme un tonnerre, elle gronde dans le ciel politique d’un pays, elle a des éclats de foudre qui la font arriver jusqu’au cœur des Souverains les plus enclins à la tyrannie.

Toute la question est donc dans l’appel au peuple ; c’est la se-