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bonne cause et de préparer, à tout le moins, les revanches de l’avenir. Pour accomplir cette tâche suprême, le ministère Joly avait besoin d’un rude et vaillant jouteur ; c’est pourquoi il jeta les yeux sur M. Mercier, qui n’hésita point à accepter ce poste de combat et qui fut élu, quelques jours après, à St-Hyacinthe, par une majorité de 304 voix.

Il faut avoir entendu M. Mercier dans la discussion de la question constitutionnelle. Il y a eu dans notre parlement des orateurs plus diserts, des hommes doués d’une imagination plus vive ou plus mobile et chez lesquels la parole s’échappait en flots plus abondants. Bien peu, croyons-nous, ont possédé à un degré égal le don de s’imposer à une assemblée.

Sans doute, M. Mercier ne possède ni la voix d’or ni l’élégance châtiée de M. Laurier. Il n’a point, comme M. Chapleau, ces longues périodes rythmées derrière lesquelles se dissimule l’incorrection ou la vulgarité du langage et dont la mélopée communique parfois à ceux qui l’écoutent l’illusion de la vraie et grande éloquence. L’éloquence de M. Mercier est toute faite de puissance continue, de ténacité, et de force logique. Elle ne vient point de la subtile et harmonieuse Athènes ; mais il semble qu’elle n’eût point déparé le Sénat romain, aux temps rudes et forts des harangues viriles qui appartenaient au génie sévère de la vieille république, et dont un Caton n’a point emporté avec lui le secret tout entier.

Il faut l’avoir entendu dans quelqu’un de ces beaux jours, où l’orateur se surpasse lui-même et se révèle tout entier. Il y a du commandement dans cette éloquence large, un peu lente et sonore qui broie un à un les arguments de l’adversaire, captive l’attention des auditeurs les plus indociles ou les plus prévenus, et maîtrise malgré elles les passions d’une assemblée hostile.

Après la chute du cabinet auquel il avait appartenu, M. Mercier songea un moment à se retirer de la vie publique. Non qu’il ait jamais désespéré de l’avenir, ni perdu confiance dans le peuple qui est le juge suprême des politiciens. Mais, peut-être, dans cette dernière tentative, à laquelle il venait de prendre une part tardive et impuissante, avait-il été appelé à constater une fois de plus le vice d’une conception politique, dans laquelle l’ancien